Folle

Auteur : Nelly Arcan
Éditions : Seuil
Parution : 2004
Pages : 205

Quatrième de couverture :

« Ensuite, j’ai eu peur de tout, j’ai eu peur qu’il soit comme toi, qu’en naissant le bébé ait déjà un passé rempli d’autres femmes. Il me semblait que l’enfant te ressemblait déjà et que même coincé entre les parois de mon ventre il avait déjà ton indépendance, qu’à la limite il se fabriquerait tout seul avec cette force d’affirmation venue de tes ancêtres, qu’il m’imposerait son rythme en me martelant le ventre pour que je lui envoie mes repas et qu’à la sortie il se désintéresserait aussitôt de moi. Il me semblait qu’en venant de toi cet enfant me quitterait. »

Devant son propre personnage, Nelly Arcan écrit une lettre à l’homme qui l’a quittée. Histoire de conquête et d’abandon, de désir et d’humiliation entre une jeune femme québécoise et son amant français. Elle s’y révèle amoureuse folle, folle de jalousie, folle de son corps haï, folle de la dictature planétaire de l’image. Ici, Nelly Arcan fait jeu égal avec Putain, son premier récit, en nous faisant entendre la beauté d’un désespoir si absolu.

Mon avis :

Nelly Arcan… grande figure de la littérature québécoise. Ici, tout le monde la connaît. C’est un peu comme Émile Nelligan, on la connaît tous, mais on est peu à l’avoir lu et encore moins à pouvoir dire l’apprécier (puisqu’on ne l’a pas lu!). Ça faisait très longtemps que je voulais lire du Arcan sachant l’importance qu’elle a dans la culture de mon peuple. Je voulais lire en premier Putain et j’aurais dû commencer par lui, mais bon… J’ai trouvé Folle en premier. C’est un peu comme lire un tome deux avant le tome un, même si les deux récits sont indépendants.

Alors… Folle. Ce récit autobiographique porte bien son nom. Loin de moi l’idée d’étiqueter Nelly Arcan de « folle », ce qu’elle fait elle-même de toute façon, c’est plutôt de dire     qu’en lisant ce livre, on plonge dans la folie de son auteur, mais aussi de son compagnon et qu’on en devient soi-même un peu fou.

Ce livre, il est étouffant. C’est la première fois de ma vie que je fais quelque chose pareil, mais je pense que sinon j’aurais pris beaucoup trop de temps à lire ce livre. J’ai entrecoupé ma lecture en lisant d’autres livres. Ainsi, entre le début de Folle et la fin, j’ai dû lire trois ou quatre livres, sachant que Folle a à peine plus de 200 pages!

Sans être « mal » écrit, ce n’est pas « bien » écrit. On a l’impression, vraiment, d’être dans sa tête, dans son flot de pensées, ce qui peut devenir très étouffant, voire suffocant. Ce n’est clairement pas le genre de livre qu’on lit d’une seule traite, à moins de vouloir devenir fou et d’être complètement insensible.

J’ai beaucoup aimé les sages paroles de son grand-père qu’elle citait régulièrement. Comme si c’était sa raison qui lui parlait et qu’elle personnifiait en la figure de son grand-père. En faite, j’ai beaucoup apprécié que de nombreux éléments « sans importance » (mais qui en ont une) se répètent très souvent, comme un leitmotiv, tout au long du récit.

Nelly Arcan, une femme sans avenir, franche, vulgaire, poignante, crue, vraie, souffrante, amoureuse, détruite, vivante et morte.

Il faut lire, au moins une fois dans sa vie, du Nelly Arcan pour rester perplexe devant son succès et admirer sa franchise.

 

« Le jour de notre rupture je suis allée chez toi, à l’improviste, c’était un soir de février. Depuis trois jours j’attendais que tu m’appelles, tes silences qui gagnaient du terrain sur le temps passé ensemble me donnaient un mal de ventre qui me pliait en deux mais j’avais appris à ne plus prendre d’initiatives avec toi ou n’en prendre que dans des instants de folie ; c’est donc portée par la folie que je suis venue à toi ce soir-là. »

 

« Écrire ne sert à rien qu’à s’épuiser sur de la roche ; écrire, c’est perdre des morceaux, c’est comprendre de trop près qu’on va mourir. De toute façon les explications n’expliquent rien du tout, elles jettent de la poudre aux yeux, elles ne font que courir vers un point final. »